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(Affaire Kongo Yoanis) L’ex aide de camp de BLA risque 10 ans de prison et 200 millions de dommages et intérêts

IMG A droite, Yoanis Kongo, ex aide de camp de BLA ( au centre).

L'ancien aide de camp de Brice Laccruche Alihanga a été appelé à la barre  le 18 mars 2022. Kongo Yoanis répond des chefs d'accusation de “concussion” et “blanchiment de capitaux,” délits prévus et punis par les articles 127 et 378 du Code pénal gabonais. SOS Prisonniers a rendu compte de l’audience correctionnelle. Lecture.

 

 

Mme la Présidente du Tribunal de céans pose la question à Kongo Yoanis: " Quel est le rôle d'un aide de camp?"

 

Réponse de Kongo Yoanis: le rôle d'un aide de camp c'est d'abord obéir aux ordres, veiller à la sécurité.

 

Mais la réponse semble ne pas convaincre Me Moutsinga, l'un des avocats de l'Etat gabonais. Il réplique en disant au Tribunal, qu'il veut savoir concrètement les tâches d'un aide de camp: est-ce que c'est d'effectuer les courses ?

 

Le prévenu répond : effectuer les missions, répondre aux ordres.

 

La Présidente réplique "Quand on vous envoie faire des courses c'est aussi une mission ?"

Kongo Yoanis répond que oui c'est aussi une mission. Quitter d'un point A vers un Point B, c'est déjà une mission. Même quand j'emmène les enfants chez le dentiste c'est une mission."

Autres questions de la Présidente "Pensez-vous que vous méritez autant d'argent comme prime ?"

Réponse : "Quand je suis arrivé au Palais, j'ai trouvé que cela fonctionnait ainsi."

La salle d'audience est calme. Il y a moins de monde que d'habitude, la Présidente de céans est réputée pour bien tenir ses audiences. Jusqu'à présent elle dirige vraiment bien les débats.

La Présidente pose encore la question de savoir "Comment avez-vous utilisé vos primes ?”

Réponse: “ j’ai construit à Agondje, mais le terrain avait été acheté avant que je ne sois détaché comme aide de camp de BLA.”

 

La Présidente mène toujours son instruction, elle dit à Kongo Yoanis qu'on lui reproche d'avoir pris l'argent de BLA, sachant que cet argent venait des détournements et que “vous avez utilisé cet argent par des voix normales.”

 

Kongo Yoanis explique au Tribunal qu'il ne savait pas que cet argent provenait des détournements. Selon lui, parfois son "patron BLA" l'envoyait récupérer les fonds communs à hauteur de 45 millions au Trésor public. Et quand il prenait ses primes au Cabinet du Directeur de Cabinet à la Présidence, il émergeait toujours et il n'était pas le seul à percevoir ces primes. Parfois, BLA lui remettait l'argent pour aller donner à certaines personnalités politiques, dont les noms et les montants reçus ont été cités pendant l'instruction chez le juge.

 

Mais Me Agondjo, l'avocat de l'Etat va faire lecture d'un Procès Verbal d'interrogatoire chez le juge d'instruction, dans lequel Kongo Yoanis aurait déclaré qu'il a acheté 3 voitures, construit une maison avec les primes qu'il a reçues en qualité d'aide de camp du Directeur de Cabinet du Président de la République.

 

Mais Kongo répondit en disant que sa voiture qui avait été saisie est aujourd'hui conduite par son geôlier quand il était gardé aux services spéciaux.

 

L'avocat de l'Etat gabonais pose la question à Yoanis s'il peut apporter la preuve que ses biens ont été acquis en toute légalité. Mais Yoanis dit au Tribunal que tous ses documents y compris les cartes grises de voiture ont été saisis par les agents, donc il ne peut produire aucun document.

L'avocat de Kongo, Me Maguisset, réplique en disant au Tribunal que ce n'est pas à son client d'apporter la preuve. Mais à la partie civile de prouver que son client a acquis frauduleusement ses biens. L'avocat fait également remarquer que les voitures qui sont censées être scellées par la Justice, sont aujourd'hui en train d'être conduites par d'autres personnes. “Est-ce normal ?”

 

L'avocat de l'Etat n'en démord pas, il revient à la charge. Est-ce qu'avec le salaire de 715.000 FCFA par mois du lieutenant Yoanis Kongo, il peut acheter toutes ses voitures et construire une maison ?

 

Mais Me Maguisset, l'un des avocats de Yoanis, demande au Tribunal d'aller vérifier les registres d'émargement à la Présidence de la République, car son client affirme qu'il émergeait toujours quand il prenait toutes ses primes.

Les avocats de l'Etat répondent à leurs confrères de la défense en disant qu'en matière de blanchiment des capitaux, c'est à l'accusé d'apporter la preuve.

 

Il est 10h30; la Présidente du Tribunal de céans donne la parole à la partie civile pour les plaidoiries.

 

Me Moutsinga va ouvrir les hostilités en plaidant sur le délit de concussion. Selon l'avocat "les faits sont clairs: Kongo Yoanis a reconnu avoir reçu de l'argent de Brice Laccruche Alihanga. 45 millions par trimestre. C'est lui qui partait reverser de l'argent à d'autres personnalités politiques au compte de BLA."

 

L'avocat ajoute en disant que Sieur Kongo était "l'arroseur" de BLA, l'homme à tout à faire, chargé même d'aller déposer l'argent à telle maîtresse... selon Me Moutsinga. Si Kongo Yoanis respectait la déontologie militaire, il allait se poser la question de savoir si ce qu'il faisait était légal. Comment un simple lieutenant va faire un investissement entre 150 millions et 200 millions ? L’avocat demande au Tribunal de le déclarer coupable du délit de “concussion.”

 

Selon la stratégie de la partie civile, l'aînée consœur, Me Agondjo, plaide à son tour sur la constitution de l'infraction du “blanchiment de capitaux.” Me Agondjo commence sa plaidoirie en faisant la lecture intégrale de l'article 378 qui caractérise le délit susmentionné.

Puis, elle poursuit en rappelant au Tribunal que tout au long de l'instruction à la barre, le prévenu n'a pas pu apporter "la preuve de la laïcité de ses biens."

 

Ce monsieur (Kong Yoanis) sait parfaitement qu'avec son salaire de 715.000 FCFA par mois, il ne peut pas faire un investissement de 200 millions. Elle demande au Tribunal de le déclarer “coupable du délit de blanchiment de capitaux,” ensuite de recevoir la constitution de partie civile de l'Etat gabonais, et enfin, de le condamner à 200 millions de dommages intérêts.

Quant aux réquisitions du Ministère public, le Procureur ne va pas y aller du dos de la cuillère. Sur le délit de concussion, il rappelle que Kongo recevait des primes exorbitantes, des frais de missions exagérés. “Quel est le texte de loi qui lui donnait droit à ces primes ?” s'interroge le Parquet de la République. Pour le Ministère Public, le délit de concussion ne souffre d'aucune constatation.

Sur le blanchiment des capitaux, le Ministère Public rappelle que la preuve de la laïcité des biens incombe à la personne poursuivie: "aucune preuve n'a été apportée ici, qu'il a acquis ses biens légalement."

 

Kongo a investi avec "le fruit d'une infraction.”

 

Le Ministère Public demande au tribunal de n' accorder aucune circonstance atténuante, de le condamner à 10 ans de prison ferme, avec une amende de 10 millions à reverser au Trésor Public.

Pendant que tout le monde pensait que le Procureur avait fini de requérir, il va ajouter le coup de massue, en demandant également la confiscation de tous les biens litigieux de sieur Kongo, conformément aux dispositions de l'article 118.

"Seule la Justice aura été rendue au nom du Peuple gabonais," va conclure le Ministère Public.

Place aux plaidoiries de la défense:

Me Gomez remet en cause la constitution du “délit de concussion.” Selon lui, la loi ne définit pas qui est dépositaire de l'autorité de l'Etat, mentionné à l'article 127 du Code pénal. Pour lui, l'élément matériel de l'infraction n'est pas constitué. Son client recevait ses primes à la Présidence de la République.

 

Or, pourquoi toutes les personnes qui percevaient ces primes n'ont pas été arrêtées ?

Me Gomez poursuit en revenant sur les conditions de garde à vue de son client. Car , selon l'avocat, son client a passé 9 mois en garde à vue sans voir un membre de sa famille. La procédure a été violée. Il demande la relaxe pure et simple de son client sur le délit de concussion. Toutefois, il demande au Tribunal de lui accorder des circonstances atténuantes et de le condamner à la durée qu'il a déjà passée en prison.

"Je suis choqué en écoutant les réquisitions du Ministère Public !" Ainsi commence la plaidoirie de Me Maguisset.

 

Mon client a dit qu'il allait prendre les fonds communs de Brice Laccruche Alihanga au Trésor avec Franck Yann Koubdje, Directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor. Pourquoi Yann Koubdje n'a pas été entendu ? "Cette justice sélective ne nous grandit pas !" ajoute Me Maguisset.

 

Selon Me Maguisset, son client est militaire, il ne connaît pas le fonctionnement administratif de la Présidence de la République. Comment pouvait-il savoir que les primes qu'ils percevaient au Cabinet du Directeur de Cabinet de la Présidence de la République étaient illégales ?

L'avocat poursuit sa série de questions: où sont passées toutes "les personnalités politiques” que Kongo "arrosait d'argent au compte de son Chef Brice Laccruche Alihanga ?

Donc ils ont aussi reçu les fonds illégalement, pourquoi ce seulement Kongo qui est à la barre ?

Monsieur Brice Laccruche Alliangha a reconnu avoir donné 20 millions à son aide de camp. Mais d'autres personnalités politiques ont été également citées d'avoir reçus les fonds provenant de Brice Laccruche Alihanga. L'ancien Premier Ministre a été cité, pourquoi il n'a pas été entendu ? On n'a l'impression d'avoir affaire à une justice sélective, martèle Me Maguisset.

 

L'avocat revient également sur la garde à vue de son client. Kongo Yoanis a passé 9 mois de garde à vue. Nous sommes en 2022, le Gabon a ratifié plusieurs textes internationaux sur le respect des droits humains, comment est ce possible de faire 9 mois en garde à vue ?

 

Comme pour répondre aux avocats de l'Etat gabonais qui ont déclaré que le rôle d'un aide de camp, n'est pas celui d'effectuer les courses de son chef. Me Maguisset demande au Tribunal si c'est écrit quelque part que c'est le policier qui doit soulever les dossiers de l'audience en salle ? Et pourtant c'est "le brave policier qui est assis derrière le Procureur qui a apporté les dossiers !"

On envoie mon client Kongo Yoanis toucher 45 millions auprès du Directeur du Trésor Public Yann Koubdje. Comment mon client pouvait-il s'imaginer un seul instant que cet argent est d'origine frauduleuse ?

 

Il demande au Tribunal de déclarer son client “non coupable.” Sur la Constitution de la Partie civile de l’Etat gabonais, Me Maguisset demande de la rejeter, car selon lui les avocats de l'Etat n'ont pas fait la démonstration du préjudice subi.

"Avec tous ces dossiers nous avons rendez-vous avec l'histoire.” Ainsi prend fin la plaidoirie de Me Maguisset .

 

La Présidente du Tribunal de céans a mis l'affaire en délibéré au 1er avril prochain.

 

SOS Prisonniers Gabon, pour l'Indépendance de la Justice

HUMANISONS LES PRISONS

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