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Politique

Lettre ouverte de Charles Mba à Ali Bongo : « Nous ne pouvons accepter le règne de la ʺmal-gouvernanceʺ…»

IMG Charles MBA, ancien ministre.

 

Monsieur le président de la République, L’exaspération sociale est lancinante dans notre pays, depuis votre prise de pouvoir en 2009 et elle va s’accentuer. Malgré la répression, les intimidations et les arrestations arbitraires qui frappent les défenseurs des travailleurs et les activistes qui dénoncent les conséquences néfastes de votre ʺmal-gouvernanceʺ , dans la vie quotidienne des Gabonais.

 

     L'ensemble des syndicats de notre pays ont appelé à une grève générale ce 15 décembre. Je soutiens naturellement et fermement ce mouvement qui mobilisera sans aucun doute les acteurs essentiels à la vie économique de notre pays. Et ce n’est pas le communiqué final du conseil des ministres du 13 septembre 2021, dans lequel, vous excluez du débat national et de l’échéance capitale de 2023: les Gabonais se trouvant hors du pays qui nous démentira.

 

     Vous y achevez juste de nous convaincre que la seule et réelle finalité du système que vous incarnez, sans préoccupation majeure pour l’intérêt du peuple gabonais, est de perpétuer un pouvoir personnel et par extension, celui d’un groupe.

 

     Après 12 années d’un pouvoir absolu comme l’établit la constitution actuelle, plus personne ne peut raisonnablement douter de ce que la situation du pays et le sort des populations n’ont cessé de se dégrader gravement, sans que vos gouvernements successifs ne soient capables de les redresser. Sur le plan diplomatique, à l’exception des questions environnementales pour lesquelles vous avez largement bénéficié du travail et de l’autorité de votre prédécesseur, la voix du Gabon est inaudible sur la scène internationale.

 

     J’en veux pour preuve: la décision des Nations Unies de remercier nos soldats en RCA qui a gravement entamé la crédibilité du Gabon auprès de ses partenaires. Il en est de même de la présence de notre pays, à la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, régulièrement prise en défaut par les condamnations du Gabon pour des cas de violation des droits fondamentaux. Sur le plan politique, les Institutions démocratiques auxquelles les Gabonais sont pourtant si attachés se trouvent abaissées, méprisées.

 

     Ainsi, afin de servir une ambition personnelle et celle d’un groupe réduit, une province entière, celle du Haut Ogooué et une partie considérable de ses habitants ont été livrés à une instrumentalisation porteuse de graves dangers pour la cohésion nationale. De la même façon, vous avez choisi d’exclure de la prochaine élection présidentielle, les Gabonais dits de la diaspora afin de vous préserver d’un vote qui risquerait de ne pas vous plébisciter.

 

     Nous dénonçons fermement cette conception discriminatoire et unilatérale de la politique qui n’a d’autre issue que la division, et d’autre but que votre maintien au pouvoir. Il apparait bien que ce sont l’arbitraire et la peur qui règnent aujourd’hui au Gabon, nourris par les arrestations politiques et la mise au pas des médias libres. Nul ne devrait pouvoir se flatter d’une telle légitimité !

 

     Au plan économique, les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre la hausse de l’endettement de 21,2% (2009) à 70% (2021), et un taux de chômage endémique en particulier chez les 15-24 ans, il est bien difficile de tirer un bilan positif de vos douze années de pouvoir. L’encours colossal de notre dette à 7000 milliards de FCFA n’aura pour l’essentiel produit que des éléphants blancs et de l’« évaporation financière ». Notre jeunesse, dépourvue de toute perspective d’avenir, n’hésite plus à quitter le pays dans les pires conditions, vidant notre nation de ses forces les plus vives.

 

     L’« émergence à l’horizon 2025» se résume aujourd’hui à un vaste naufrage pour l’éducation, pour la santé. Ce qui ne manque pas de refreiner les investisseurs étrangers, rebutés par cette situation et par la patrimonialisation du Gabon au profit d’un opérateur principal.

 

     Monsieur le Président, tout observateur lucide de la vie de notre pays peut désormais constater l’hégémonie d’une conception de la chose publique qui ne se confond plus qu’avec l’intérêt personnel, à l’évident mépris de « l’intérêt général » qui devrait pourtant présider à toutes vos décisions. La récente modification des règles de la compétition électorale vous permettrait ainsi de mieux conserver le pouvoir en verrouillant le jeu démocratique. Vous avez décidé de vous substituer aux Institutions démocratiques de notre pays, alors même que leur essence est de s’appliquer à tous ceux qui sont portés au pouvoir par la voix du peuple qu’il s’agit de servir avec probité et intégrité.

 

     Je souhaite Monsieur le Président de la République, que nous nous ressaisissions tous, que la sagesse touche ceux qui mériteraient de renoncer, car notre pays mérite mieux. Nous ne pouvons accepter l’ancrage des injustices, et de l’arbitraire. Nous ne pouvons accepter le règne de la ʺmal-gouvernanceʺ, une politique destructrice que nous sommes donc résolus à combattre, démocratiquement, en rassemblant toutes celles et ceux qui s’opposent à votre système et qui croient dans un avenir meilleur pour le peuple du Gabon.

 

Charles M’BA

Ancien ministre,

Ancien sénateur

 

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