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(Reportage) Kinguélé, dix ans après le passage d’Ali 9 : c’est toujours la misère !

IMG Dix ans après la visite d'Ali rien n'a suivi.

Vieux de plus d'un siècle, ce quartier est aussi réputé être un bidonville, où la précarité des habitants accentue la grande délinquance juvénile. En 2010, tout frais dans son costume de nouveau président de la République gabonaise, Ali Bongo Ondimba y avait fait une descente. Une visite inopinée au cours de laquelle il annonça plusieurs mesures, pour améliorer les conditions des populations de ce quartier. Seulement, dix (10) ans après, rien n'a bougé d'un iota. Kinguélé est resté dans tous ses états.

 

Par Wilfrid Kombe Nziengui

Kinguélé est situé au cœur de Libreville, la capitale gabonaise. Il partage le même arrondissement que le Palais du bord de mer, donc la présidence de la République. Mais sa configuration est très loin de ressembler à un quartier situé en plein Centre-ville. Pour les visiteurs, le point référentiel est le petit marché de Kinguélé situé à son carrefour principal, lieu mythique où se rencontrent les quatre voies qui lient ce quartier populaire au reste de la capitale. « Route Mitsogo », « Route du milieu », « Route du transfo » et « Route de l'ancienne pharmacie », c'est ainsi que l'on appelle ces voies où règnent le chaud et le froid.

De part et d'autre, l'on fait face à des petits étals. Bananes, paquets de manioc, tas d’aubergines, légumes de toutes sortes… attendent les clients, qui se font rares en cette période de crise sanitaire due à la lutte contre la propagation de la pandémie du Coronavirus. Mais les commerçantes, dont la plupart sont du troisième âge, ne désespèrent pas, c'est leur gagne-pain. « C'est notre gagne-pain. C'est vrai que les clients ne sont plus comme avant, mais il est mieux de passer nos journées ici à gagner 100 Fcfa que de rester à la maison, sans rien faire. Nous avons des enfants à nourrir et à envoyer à l'école », laisse entendre maman Antoinette Mondoubé, commerçante du petit marché de Kinguélé.

 

Conditions de vie précaires

Les habitations sont, pour la plupart, construites en planches, dans un relief, qui ne favorise pas la prise en compte des questions d'urbanisation. L'anarchie est inscrite comme mode de vie. A certains endroits, pour avoir accès à un autre domicile, il faut obligatoirement passer par le salon, la cuisine ou la chambre à coucher de quelqu'un. C'est la jungle ! Des conditions de vie très précaires auxquelles s'ajoutent le manque d'eau et des installations anarchiques des câbles électriques.

A Kinguélé, les robinets sont sans une goutte d'eau pendant plusieurs semaines. Les rares fois où les robinets sont alimentés, c'est tardivement dans la nuit, entre 3 h et 5 h du matin. Pour pouvoir remplir ses récipients, il faut se réveiller à ces heures tardives de la nuit et braver le risque de se faire agresser par n’importe quel bandit de grand chemin. Les quelques pompes publiques, installées par l'Etat, ne servent plus que de décor.

« Le manque d'eau, dans notre quartier, est récurrent. On est fatigué de se plaindre. Le gouvernement, qui est censé avoir une oreille attentive à nos plaintes, ne fait rien malgré les mouvements d'humeur ».

 

 

Foyer du grand banditisme

Consommation de drogues de toutes sortes et montée grandissante de la délinquance juvénile, Kinguélé vit au rythme des braquages, viols, vols à la tire et cambriolages. Des jeunes, dont l'âge varie entre 12 et 25 ans, sèment leur loi ici. En un mot, ils sèment la terreur en toute impunité.

Constitués en plusieurs groupes, ces jeunes délinquants se cachent dans les endroits stratégiques, où ils attendent déposséder leurs victimes de tous les biens. Mais souvent, au cours de ses braquages, bon nombre de personnes sont froidement et lâchement assassinées. C'est le cas de ces quelques victimes tuées lors des braquages entre 2012 et 2017 : Koumba Tamboussi Ngome alias « Tabacco », Romuald Nkoghe Nzeng, Celine Ndjembi…

Les policiers, lors des patrouilles pédestres, procèdent aux arrestations. Mais les prétendus malfrats sont remis en liberté après quelques semaines ou mois de détention.

Pour dénoncer l'insécurité, qui sévit dans le quartier, les habitants ont, plusieurs fois, érigé des barricades, bloquant ainsi la circulation. Mais c'est sans effet. Le phénomène de la délinquance à Kinguélé demeure le même.

 

Visite d'Ali Bongo Ondimba en 2010

Fraîchement élu à la tête du pays, Ali Bongo Ondimba fait une descente à Kinguélé, en avril 2010. Cette visite inopinée avait été inscrite dans le cadre de la « volonté du chef de l'Exécutif de s'imprégner lui-même des conditions de vie des populations de ce quartier populaire sous-intégré, dans l'objectif de les améliorer ». Ali Bongo Ondimba, accompagné d’une forte délégation, avait promis, lors de cette villégiature, de la délocalisation d'une partie de la population pour un autre site mieux urbanisé. Le successeur de feu Omar Bongo Ondimba avait, en outre, promis de résoudre, dans les plus brefs délais, le problème d'adduction d'eau et l'extension de l'électricité. Dix ans après, rien n'a été fait, absolument rien. Les conditions sont restées les mêmes. Pire, elles se sont davantage dégradées. C’est le symbole, ici, d’une politique de promesses inabouties ; voire d’un mandat qui s’est avéré une véritable catastrophe.

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