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Société

Serge Maurice Mabiala : « je demande aux autorités de lancer l’idée d’une contribution nationale de lutte contre le Coronavirus… »

IMG Le député de Mouila.

Dans une deuxième tribune libre, Serge Maurice Mabiala fait plusieurs propositions pour lutter contre la propagation du Covid-19 et supporter le désastre économique qui va en découler.

Notre société est désormais travaillée par un courant anxiogène. Le développement de la pandémie du Coronavirus dans le monde et particulièrement en Europe, continent très proche du nôtre et premier foyer de propagation du covid-19, soulève de vives inquiétudes. Dans notre pays, l’anxiété progresse et devient pour ainsi dire virale. Du coup chacun s’interroge sur l’efficacité de notre système sanitaire face à cette pandémie.

 

Le Gouvernement ne demeure pas l’arme au pied, tant s’en faut. Il ne serait pas honnête de nier qu’une réponse publique tente de s’organiser devant l’urgence. Mais qu’elle ne soit ni transparente, ni convaincante est un fait certain. Reconnaissons cependant dans une responsabilité lucide, que gouverner notre pays dans le contexte de désorganisation quasi généralisé qui est le nôtre n’est pas chose aisée.

 

De fait, au cours des cinquante dernières années, de nombreux défis ont été transférés d’une génération à l’autre. Chaque génération poussant la poussière sous le tapis, abandonnant les défis collectifs à la suivante. La productivité du facteur travail reflète le faible niveau d’éducation de la population. Le système de santé, de protection social et de solidarité nationale ne convainc pas. Les aménagements urbains, prouvant les progrès collectifs ainsi qu’une certaine qualité de vie, sont toujours attendus. Les infrastructures de toutes sortes illustrent les choix désastreux. Ainsi, et pour ne pointer que cela, dans l’offre des services de base, l’électricité, et l’eau si précieuse en ces temps de pandémie, manquent à tous et partout, bref… soixante années après, notre modèle de croissance ne secrète toujours pas de classe moyenne, il en a fallu 30 à Singapour pour sortir de la pauvreté, presqu’autant à l’ile maurice, et les prodigieuses avancées de la Guinée équatoriale voisine, elle aussi dirigée par une dynastie tropicale, fixe l’attention de tous dans la sous région et force l’admiration.

 

Au total, les gabonais forment la population la plus pauvre dans leur pays de cocagne. L’administration du territoire est un tabou partagé, la décentralisation contraste bien avec le jacobinisme patrimonial de l’État. Quant au modèle de société personne ne semble avoir la réponse…la liste des retards de développement s’allonge, elle donne le sentiment d’un défi pharaonique, Sisyphe en perd son latin…. Chacun est en droit de le déplorer, mais doit néanmoins s’en faire une raison.

Tout cela nous le savons. Le temps n’est pas à la polémique et encore moins à la vindicte mais à l’offre de propositions. Le temps du bilan objectif et responsable ne manquera pas de venir. Je prie les uns et les autres de raison garder et de ranger leurs glaives au fourreau. Nous n’allons tout de même pas ajouter une crise politique à une crise sanitaire.

Pour l’heure, nous n’avons qu’un seul ennemi, le Coronavirus.

Communications après communications, discours après discours jusque sur la marche la plus élevée du pouvoir, les annonces empressées des mesures et les appels à la sérénité se succèdent. Les consignes sanitaires et les assurances sont même données jusqu’au plus haut niveau de l’appareil d’État (?). Mais tout cela, déclamée dans une gravité solennelle sans rime ni raison, laisse de marbre une population assommée par une culture d’effets d’annonces, particulièrement bien ancrée dans le pays. A la vérité, les promesses peinent à vaincre les doutes sur l’efficacité de la réponse publique face à la pandémie. Ils sont durablement installés dans nos esprits. Notre pays est-il prêt ?

On nous apprend que le dispositif de lutte contre le Coronavirus comprend trois niveaux d’interventions. Le dépistage massif pour identifier et « neutraliser les porteurs asymptomatiques du virus, tel que fortement recommandé par l’OMS, l’organisation subséquente d’unité de « COHORTING et l’accueil et le traitement des patients en soins intensifs.

 

Le premier niveau consiste donc à casser la chaîne de transmission du virus, au moyen du confinement total de la population. Il consiste également à équiper les personnels soignants au contact des patients (masques, surblouses, casaques, charlottes, gants, surchaussures…). Le deuxième niveau est destiné à cerner les cas testés positifs avec des symptômes sérieux ; le « COHORTING », zone dédiée à la prise en charge des cas Covid+. Enfin, le troisième niveau du dispositif est dédié aux cas graves, les patients en détresse respiratoire. Ce dispositif nécessite le renforcement des services de réanimation déjà existant et d’équiper des services dépourvus de matériels de soins intensifs (lits de réanimation, scope, respirateurs, monitoring, sonde d’intubation, laryngoscopes etc.)

 

Il est à craindre qu’en l’état actuel de notre système de santé, notre pays ne soit pas suffisamment armé pour mener cette guerre ainsi que nous l’a dit le Ministre de l’intérieur. La seule ville de Libreville compte 1,2 millions d’habitants. Si ce chiffre est fiable, la capitale du Gabon compte désormais toute la population du pays d’il y’a à peine 10 ans…l’eau, les masques, les gels hydoalcoolique, les kits de protection ainsi que les matériels de détection de base font gravement défaut. On ignore tout des stocks de l’État s’ils existent et si des commandes ont été faites, on n’en sait pas plus. Quant au nombre exact de lits de réanimation ou de soins intensifs, chacun déduit très aisément qu’ils ne sont pas en nombre suffisant. Ainsi, si l’on considère que dans des hôpitaux de dernière génération, un service de réanimation compte entre 15 et 20 lits armés, il est donc risqué voir irresponsable de soutenir que notre pays est prêt pour affronter la pandémie.

 

Pour ma part, je crois que c’est un signe du ciel que la situation soit encore largement sous contrôle. Prions avec ferveur pour qu’il en soit toujours ainsi. Néanmoins revenons un temps soit peu à la raison. S ‘il est unanimement entendu que les capacités actuelles de notre système de santé ne sont pas suffisantes pour endiguer la propagation du virus, alors organisons nous pendant le peu de temps qui nous reste.

 

Le renforcement des capacités hospitalières constitue l’urgence. Il nécessite la mobilisation de ressources budgétaires qui, sauf erreur de ma part, n’ont pas été votées. Et si des crédits d’intervention pour affronter une catastrophe ont été inscrits au budget 2020, le Gouvernement serait bien avisé d’en informer la population, dans un dessein de transparence démocratique. Je note au passage que les populations sinistrées de Mouila, Lambaréné et Franceville, attendent toujours les indemnisations promises par le même Gouvernement, dans le cadre des inondations qui ont affligé de nombreux ménages dans les localités précitées. Il semble même que les services du Premier Ministre n’en ont plus le souvenir...

 

Dans ma sommaire expérience d’Élu, j’ai tout comme mes collègues à l’Assemblée nationale, noté un taux d’exécution budgétaire en recettes particulièrement faible (autour de 30% en moyenne). 
Au vrai, il faut craindre que les récurrentes tensions de trésorerie, ne nous permettent pas de mobiliser, dans l’urgence de la situation, les ressources budgétaires nécessaires au renforcement de nos capacités sanitaires. Les errements bureaucratiques de notre administration sont connus. Les rigidités procédurales de notre appareil fiscal aussi… Et si l’on ajoute un cours du baril à l‘étiage, craignons que ce chant du cygne annonce des vêpres nécrologiques…

 

Le Gabon est éligible au programme global de renforcement des systèmes de santé pour le partenariat de couverture de santé universel sur la période 2019-2022. Ce programme de l’Union européenne, mobilisera 81 milliards de F.CFA au profit de tous les pays de la CEMAC. Cette somme n’est pas uniquement « octroyée » au seul Gabon ainsi que cela a été intentionnellement publié dans la presse, pour épater l’opinion, dans un langage technocratique abscons qui nécessite de démêler l’écheveau. A l’évidence, cet appui budgétaire ne sera pas immédiatement mobilisé dans le cadre de la lutte contre la pandémie, que chacun l’entende bien. Il faudra donc d’abord compter sur nous mêmes.

 

De mon point de vue et pour l’heure, je vous propose de considérer une solution ; les hôpitaux de campagne, connus également comme poste médical avancé (PMA). Ce sont des établissements de soins provisoires, mis en place en cas de catastrophe, à proximité des zones de combats. C’est un concept né de la médecine de guerre. L’hôpital de campagne est avant tout une équipe médicale composée de médecins de catastrophe et de infirmiers expérimentés et du matériel pré conditionné afin d’être facilement transportable. Cette structure mobile peut se déployer partout.

 

Il nous revient que notre pays n’en compte que deux, acquis par les services de santé militaire. Est-ce assez, est-ce peu ? A chacun d’y répondre. Pour ma part, je propose que notre pays s’équipe davantage et dans l’urgence. Il appartiendra aux services compétents, et sous leur très grande responsabilité, d’en dimensionner le nombre par rapport à la menace de la pandémie. A ce propos, l’existence d’outil de prévision théorique ou d’études scientifiques aurait pu aider à réduire l’incertitude. L’apparition du virus à Wuhan date de la fin de l’année 2019. Les flux commerciaux entretenus entre la Chine et notre pays, auraient dû susciter l’intérêt de nos autorités sanitaires. La propagation du virus aurait pu être anticipée. Mais point de polémique...

 

Comment surmonter ce défi qui se pose à nous et parer au plus pressé ?

L’État a besoin de tous les concours. Devant la faiblesse de ses moyens et les contraintes bureaucratiques entravant leur mobilisation, je demande aux autorités de lancer l’idée d’une contribution nationale de lutte contre le Coronavirus. Une Conférence des donateurs pourrait être organisée pour abonder le fonds.

Je propose que ladite conférence des donateurs soit coprésidées par les présidents des deux chambres du parlement et la coordination technique soit conjointement assurée par le Représentant résident de l’OMS et la Direction Générale de la Santé militaire.

Le cercle des donateurs pourrait être composé ainsi qu’il suit :

• Pour le parlement : l’ensemble des députés et sénateurs qui renonceront à leurs indemnités de cabinet du mois d’avril 2020 
• Pour le Gouvernement : les membres du gouvernement, leur fond de cabinet
• Pour le secteur privé : 1% du chiffre d’affaires de tous les opérateurs administrées par les services de la Direction des Grandes Entreprises (DGE). 
• Pour la population : tous les gabonais volontaires et désireux d’apporter leur écot.

 

La lutte contre cette pandémie a un coût économique bien élevé. L’économie enregistrera fatalement un repli de la production. Au mieux, la croissance sera ralentie, au pire, elle pourrait être gravement et durablement atone. Mais la loi du marché doit s’effacer devant la loi de la santé. La nôtre ne peut pas être indexée à la loi du profit, sinon il est à craindre que le coût social de la crise sanitaire soit durablement pénalisant pour notre économie.

 

Chacun entend bien que la productivité d’une population cacochyme, ne saurait relever le défi des contreperformances macro-économiques. Si la population en générale et la population active en particulier était contaminée, la croissance serait enrayée durablement et la santé des entreprises en serait tout aussi durablement affectée. En toute hypothèse, les prévisions de croissance seront revues à la baisse, ce qui induira une contraction corrélée des recettes fiscales. L’offre de services publics en sera tout aussi limitée. Tout se tient, il nous faut choisir.

Afin d’équilibrer l’effort de solidarité, la collectivité doit accepter de renoncer à une partie de ses droits. Je veux dire que, pour leur capacité à mobiliser, dans de brefs délais, les ressources dont nous aurons besoin, l’engagement sollicité des entreprises ne sera pas sans contreparties afin d’oxygéner leur trésorerie.

 

Je propose donc :

• La déductibilité fiscale des contributions versées par les entreprises ;
• Le report des obligations fiscales et sociales à une date convenu en concertation avec la CPG ;
• La réduction du temps consacré au congés annuels pour limiter l’impact de la crise et notamment les pertes enregistrées.

 

Comme il est de bien entendu, les propositions ci-dessus ne sont pas exhaustives, toute contribution susceptible de consolider cet élan de solidarité sera la bienvenue.

Mes chers compatriotes prenons notre destin en main.

 

 

Votre dévoué, Honorable Serge Maurice MABIALA

Député RHM de la 1ere circonscription
Conseiller municipal de Moukoumounabouala
Commune de Mouila

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