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(Tribune Libre) Albert Edou Nkoulou : Un journaliste dans l’âme tire sa révérence

IMG Albert Edou Nkoulou de son vivant.

 

(*) Par le Pr Anaclet Ndong Ngoua

 

Plus de trois mois et demi après la disparition d’Albert Edou Nkoulou, à Oyem, le 23 avril 2021, à la suite d’une maladie, et de son inhumation, à Bitam, le 15 mai de la même année, les professionnels des médias publics et privés continuent à saluer la mémoire de ce confrère. Après ceux de Radio Gabon et de Gabon 1ère, Anaclet Ndong Ngoua, journaliste et chercheur au CENAREST, s’y emploie, à son tour, au nom des agents d’Africa n° 1, entreprise dans laquelle le défunt a fait sa carrière, plus de trois décennies durant.

 

En se référant à des enquêtes menées dans les années 1990-1995, par des organismes français, sur l’audience des médias en Afrique noire, de nombreux fils de cette partie du continent dans laquelle Africa n° 1 émet, ont fini par s’y identifier, à travers « Les Aventures mystérieuses » de Patrick Nguema Ndong, « L’heure du gain », créée par Yves Ziza, animée tour à tour par Mademoiselle Denise Boukandou, Jean-Claude Franck Mendome, surnommé le démon du midi, Ledou, « Le Hit Parade International Malboro », « Master Dimento », présentées respectivement par Jerry et Teddy Ossey, et, bien entendu, à travers l’actualité. Dans ce domaine, le « tam-tam » de l’Afrique, comme certaines personnes se plaisaient à l’appeler, livrait une concurrence impitoyable à Radio France Internationale (RFI), à la British Broadcasting Corporation (BBC), à la Voix de l’Amérique, sur le continent, grâce à des journalistes de talent, sortis des écoles de Yaoundé, de Dakar, de Lille…

 

La spécificité de l’homme de presse

En dépit des pesanteurs politiques, des tracasseries administratives, des susceptibilités diplomatiques entre les différents Etats, des difficultés financières, ces hommes avaient compris que le diplôme, si important fût-il, était une présomption de compétence et que le véritable professionnalisme se mesurait sur le terrain, à l’épreuve de la réalité, au contact des faits. Ces contraintes ne doivent pas être un alibi commode pour expliquer, justifier ou légitimer les manquements professionnels élémentaires, comme il est souvent de règle. Et cela d’autant que la spécificité de l’homme de presse réside dans le fait qu’il est à la fois un employé devant obéir au règlement intérieur de l’entreprise ou de l’institution dans laquelle il évolue et un travailleur intellectuel qui, pour s’acquitter de sa mission, est tenu de jouir d’un minimum d’indépendance sans laquelle il se transforme en un propagandiste ou en un publicitaire. Et auquel cas, il perd toute légitimité.

 

Autrement dit, l’histoire enseigne que le journalisme contemporain consiste à concilier l’exercice de la liberté de la communication avec le respect de la ligne éditoriale (alignement, orientation, philosophie), évidente obligation professionnelle. Tout en se soumettant à cette dernière, le professionnel de l’information doit accomplir sa mission. Pour ce faire, il est tenu de lutter en permanence contre les pressions multiples et diverses pour acquérir, maintenir un minimum de liberté intellectuelle. Y succomber, avec une facilité déconcertante, revient à remettre en cause son métier, ou constitue une négation du journalisme, comme il est de règle au Gabon au sein des médias de service public et privés, toutes tendances confondues.

 

Quelque différentes que fussent leur personnalité, leurs origines sociales, les professionnels de l’information ayant contribué à l’audience d’Africa n° 1, entre 1985 et 1990, sous l’autorité de messieurs Barbier Derozes (ancien DG), d’Eugène-Philippe Dieno (ancien DGA), de John-Joseph Mbourou (ancien Directeur de la Rédaction), formaient une équipe de choc, aimant leur métier, fiers de travailler dans cette radio à vocation commerciale. Ils avaient une seule devise : être aussi crédibles que les radios internationales émettant en Afrique. Pour atteindre cet objectif, diversifier l’offre pour répondre aux attentes multiples et diverses des consommateurs et produire cette offre conformément aux canons universels. En dépit de leur jeunesse, ils avaient fini par susciter de l’admiration, forcé l’estime ou le respect, et, par voie de conséquence, fait naître des vocations. Parmi ces professionnels de l’information, Flavienne Issembe, Jean-Valère Mbina Mandza, Elvis Dianga Manfoumbi, Jacques Massamame, Rodrigue Asseyi, Jérémie Nzamba, Guillaume Mendome Nze, Ronny Mba Minko, Hyacinthe Mba Allogo, Anaclet Ndong Ngoua, Jean De Dieu Ndong Ovono, Pierre Ndong Mve, Ndong Eda, Samuel Tonkam, Albert Edou Nkoulou.

 

Le professionnalisme d’Albert Edou Nkoulou

 

Formé à l’ancienne Ecole Supérieure Internationale de Journalisme de Yaoundé (ESIJY) au Cameroun, à l’Ecole des Sciences et Techniques de l’Information à Dakar, au Sénégal, ayant parfait cette formation en France et au Canada, à la suite d’un stage de trois mois, aux côtés des étudiants des deux structures, Albert Edou Nkoulou était l’un des rares hommes de presse à concilier l’esthétique et l’éthique que constitue le journalisme contemporain. Côté esthétique, il possédait des talents ou des prédispositions : une voix grave ou radiophonique ou une voix de stentor, comme diraient certains ; un esprit de synthèse qui consiste à tirer ou à dégager la substance ou l’essentiel ; une diction satisfaisante. En ce qui concerne ce dernier point, il se souciait de présenter le journal comme s’il racontait une histoire à un ami, à un parent dans un bistrot ou dans la rue, dans un langage accessible, sinon à la majorité des auditeurs, du moins, au plus grand nombre de ces derniers, réunissant les caractéristiques ou les conditions requises (précision ; concision ; exactitude ou honnêteté ; formules ou expressions appropriées ; rigueur dans le choix et l’exploitation des genres journalistiques…).

 

Dans le même ordre d’idées, le professionnalisme d’Albert Edou Nkoulou s’est, particulièrement, illustré dans le traitement de l’actualité relative au football et aux questions d’armement (armes chimiques, bactériologiques et biologiques ; missiles tactiques, stratégiques ou intercontinentaux ; avions de chasse, avions bombardiers, avions ravitailleurs…).

 

En ce qui concerne la couverture de l’actualité sportive en général, et footballistique en particulier, de l’avis de maints auditeurs, Albert Edou Nkoulou était une référence, comme ses confrères Ronny Mba Minko et Francis Salah Ngouabauh. Ils faisaient vivre les rencontres, action par action, minute par minute (les choses se passaient comme si on était au stade), maîtrisaient les règles, présentaient les enjeux des compétitions nationales et internationales. A tel point que les gens avaient du mal à distinguer qui, des trois, était le meilleur chroniqueur. En se référant aux mêmes auditeurs, Albert Edou Nkoulou était, également, devenu, à Africa n° 1, un expert des questions d’armement, à travers une documentation riche, à jour. Sans avoir fréquenté une école de guerre, il pouvait discuter d’égal à égal avec des officiers généraux et des ingénieurs d’armement. En somme, il était le responsable du service qui y était lié. Cela signifie qu’il en était le spécialiste. Cette expérience montre, contrairement à une opinion communément répandue, que la spécialisation en journalisme n’est pas liée à la possession d’un diplôme dans un domaine quelconque, mais est plutôt le résultat de la répartition de la rédaction en rubriques (nouvelles relevant de la même nature) et en services (sous-rubrique). Ou bien, si l’on préfère, elle consiste à se limiter à un champ étroit pour le couvrir parfaitement, c’est-à-dire en analyser les différentes facettes. Elle permet donc d’approfondir l’information, d’autant que cette dernière est fluctuante, riche, variée, complexe. De ce point de vue, la spécialisation constitue une exigence professionnelle, quand bien même, en réalité, l’actualité ne devrait pas s’accommoder d’une classification rigide, pour reprendre Didier Husson et Olivier Robert, comme nous l’avons écrit dans un article publié dans Gabon Matin n° 48 du 07 octobre 2008, intitulé « Se spécialiser en journalisme, ca signifie quoi ? ».

 

Edou Nkoulou, un modèle à suivre

 

Après avoir pris sa retraite, Albert Edou Nkoulou a continué à servir la presse, mais en tant que gestionnaire, à Bitam, sa ville natale. Il y a assumé les responsabilités de Directeur général de Radio 3 Frontières, durant un an.

 

A travers ta disparition, le village Megang, dans lequel on l’avait surnommé « Tip », la commune de Bitam, le département du Ntem, la province du Woleu-Ntem, le Gabon tout entier perdent un des dignes représentants de la presse. Puissent les jeunes gens, désireux d’embrasser le journalisme, s’en inspirer, d’autant que ce dernier y souffre d’un déficit de respectabilité, paradoxalement à l’heure de la démocratie proclamée. Que ton âme repose en paix.

 

(*) Maître de Recherches CAMES

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